Kampala, 1er mai 2025 — L’opposition ougandaise tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle prévue en 2026, le président Yoweri Museveni est accusé de renforcer la répression politique à travers l’utilisation controversée des tribunaux militaires pour juger des civils. Cette stratégie, qualifiée d’anticonstitutionnelle par la Cour suprême du pays, soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’état de l’indépendance judiciaire et des libertés civiles en Ouganda.
Une décision de la Cour suprême ignorée
En janvier 2025, la Cour suprême ougandaise a statué clairement : la comparution de civils devant des tribunaux militaires est contraire à la Constitution. Pourtant, en avril, le président Museveni a publiquement affirmé son intention de poursuivre cette pratique en invoquant des « circonstances exceptionnelles liées à la sécurité nationale ».
Cette déclaration a suscité une vague d’indignation parmi les organisations de défense des droits humains et les partis d’opposition, qui dénoncent une tentative manifeste de bypasser la justice civile pour museler les voix dissidentes. Pour de nombreux analystes politiques, ce bras de fer avec la plus haute juridiction du pays marque un nouveau tournant autoritaire dans le long règne de Museveni, au pouvoir depuis 1986.
L’opposition dans le viseur
Des figures majeures de l’opposition, comme Kizza Besigye, ancien candidat à la présidentielle et critique de longue date du régime, ou encore Bobi Wine, le leader charismatique du National Unity Platform (NUP), ont été poursuivis ou jugés par des juridictions militaires ces dernières années. Les charges retenues — souvent vagues, telles que « troubles à l’ordre public » ou « possession illégale d’armes » — sont régulièrement perçues comme politiquement motivées.
L’opposant Bobi Wine, arrêté à plusieurs reprises depuis 2018, a réagi cette semaine :
« Ce que fait Museveni, c’est mettre l’armée au-dessus de la loi pour intimider quiconque ose s’opposer à lui. Ce n’est pas une démocratie, c’est un régime militaire déguisé. »
Une inquiétude régionale et internationale
La situation en Ouganda inquiète bien au-delà de ses frontières. Plusieurs ONG internationales, dont Human Rights Watch et Amnesty International, ont condamné cette pratique, appelant le gouvernement à respecter la séparation des pouvoirs et à cesser d’utiliser les tribunaux militaires contre les civils. L’Union africaine et des diplomaties occidentales, comme celles de l’UE et des États-Unis, ont exprimé leur « préoccupation croissante » face à la dégradation de l’État de droit dans le pays.
Selon le Centre africain pour la justice démocratique, au moins 54 civils ont été jugés par des tribunaux militaires depuis début 2024, la majorité étant des militants de l’opposition ou des journalistes indépendants.
Un climat politique tendu avant 2026
L’atmosphère politique en Ouganda devient de plus en plus étouffante à l’approche des élections générales de 2026, où Museveni pourrait briguer un septième mandat, après avoir modifié la Constitution en 2017 pour supprimer la limite d’âge présidentielle.
L’opposition, affaiblie par des arrestations, des censures médiatiques et des interdictions de manifester, tente malgré tout de se structurer. Mais elle dénonce un climat de peur imposé par l’État, dans lequel les voix critiques sont systématiquement harcelées, surveillées ou réduites au silence.
Une démocratie en recul ?
Pour de nombreux observateurs, la persistance de cette répression judiciaire est symptomatique d’une dérive autoritaire en Ouganda. Si le pays a longtemps été salué pour sa stabilité relative dans une région marquée par les conflits, cette stabilité semble désormais se faire au prix d’un verrouillage démocratique progressif, où l’armée et les institutions judiciaires sont de plus en plus instrumentalisées à des fins politiques.
Alors que la communauté internationale observe avec attention l’évolution de la situation, les défenseurs des droits de l’homme appellent à une mobilisation régionale et internationale pour exiger la fin des poursuites militaires contre des civils et garantir des élections libres, transparentes et équitables en 2026.
👉 À suivre : les réactions des partis d’opposition, les mobilisations prévues dans les mois à venir, et l’évolution des rapports de force entre la société civile et le régime de Kampala.
🖊H. Zinu
📍 Rédaction | Belgique